La santé mentale n'est pas toujours facile à aborder en consultation : malaise, sentiment d'intrusion dans l'intimité, source de stigmatisation, non acceptation d'un diagnostic de maladie mentale, etc.
Malgré tout, le·la médecin généraliste reste un·e interlocuteur·trice privilégié·e ; il·elle a la confiance de sa patientèle, connait leur contexte de vie, les évènements de leur existence, etc.
De plus, le cadre de la consultation médicale assure la confidentialité indispensable pour aborder le sujet sensible de la santé mentale. Soyez convaincu·e que la communication, l'écoute et de façon générale, la qualité de la relation avec votre patient·e font entièrement partie de la prise en charge.
Quelques conseils pour aborder le sujet avec vos patients et patientes
- Le bon moment et de bonnes conditions: vous avez le temps, vous êtes seul·e avec votre patient·e, vous n'êtes pas stressé·e, etc.
- Une opportunité: selon le motif de la consultation, vous pouvez déceler des symptômes évocateurs d'un souci de santé mentale (certaines plaintes somatiques sans problème organique retrouvé, dysfonction sociale en aggravation, souffrance psychique[1]).
- Demandez: soyez proactif·proactive et n'hésitez pas à demander à votre patient·e si vous pouvez lui poser une question intime.
- Soyez explicite: en abordant les choses de façon directe et en utilisant les termes les plus adaptés à votre patient·e, en évitant les termes médicaux trop complexes.
- Questionnez les aspects de la vie sociale, familiale et émotionnelle de vos patient·e·s lors de votre anamnèse, repérez les changements, les évènements de vie qui peuvent les fragiliser (Dans votre vie affective et sociale, comment cela se passe-t-il ? Vous sentez-vous déprimé.e par moment ? vous sentez-vous inquiet.e ? etc.). Vous pouvez vous aider des questionnaires courts validés existants, comme le pHQ-9 ou le test prime-MD Whooley :
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- Durant le mois écoulé, avez-vous souvent été perturbé·e par un cafard, une déprime, une perte d'espoir ?
- Durant le mois écoulé, avez-vous été souvent perturbé·e par peu d'intérêt ou de plaisir dans vos activités ?
- A travers l'anamnèse de votre patient·e, identifiez les points qui peuvent vous évoquer un trouble potentiel. Les troubles les plus fréquents sont :
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- L'anxiété
- La dépression
- Le trouble bipolaire
- La schizophrénie/ les psychoses
- La souffrance psychique
- Les troubles du comportement chez l'enfant et l'adolescent·e
- Les addictions
- Les troubles du comportement alimentaire
Le référentiel de l'OMS, Guide d'intervention mhGAP, (particulièrement les pages 27 à 34) est un outil très utile.
- Faites le point avec votre patient·e sur ses connaissances en matière de santé mentale et interrogez-le·la sur sa compréhension, et sur les ressources dont il·elle dispose (entourage, activités sociales, etc.)
- Identifier et proposer des ressources (réseau de santé mentale, les psychologues de 1ière ligne, groupe de parole, etc.) et des informations complémentaires (dépliants, site internet, application, etc.) reprenant des explications claires du trouble de santé que vous aurez pu identifier avec votre patient·e.
- Soyez disponible et restez ouvert·e autant que possible, tout en respectant vos propres limites, et en prenant soin de votre santé à vous.
[1] Souffrance psychique : douleur d'existence, souffrance qui peut certes accompagner une douleur organique mais aussi l'humiliation, le mépris social, ou pire l'indifférence. Cette notion désigne donc plus un état de mal être.
La santé mentale et le dépistage de la dépression chez nos patient·e·s
Le dépistage de la dépression repose en partie sur des éléments subjectifs. Cela ne remet pas en question la nécessité de dépister et de prendre en charge les patient·e·s en médecine générale.
Le dépistage de la dépression chez l'adulte ne se fait que si l'on peut assurer le suivi en cas de test positif, que ce soit par le·la médecin généraliste lui·elle-même ou un·e autre professionnel·le.
Nous vous proposons une démarche en 3 points :
La Promotion de la santé mentale en médecine générale
La promotion de la santé mentale cherche à mettre en valeur la santé mentale au lieu de prévenir la maladie. Elle ne se penche pas sur l'incapacité mais sur la force, elle ne cherche pas à « réparer ce qui est brisé » mais à « prendre soin de ce qu'il y a de mieux en nous ».
Aborder la santé mentale à travers le prisme de la promotion de la santé dans nos consultations peut se faire de différentes manières :
- En abordant le trouble, qui amène le·la patient·e à consulter, de manière plus globale à travers ces 3 dimensions :
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- Le trouble mental en tant que tel,
- Le dysfonctionnement social,
- Et la souffrance psychique.
Ces 3 dimensions aident à décliner le besoin de soin lorsque l'on aide le·la patient·e à élaborer sa plainte. (Modèle statistique tiré de l'étude Colorado [1])
- Élaborer notre prise en charge à partir des forces, ressources et aspirations du·de la patient·e selon une logique d'intégration dans le milieu de vie ; c'est un point important touchant à la promotion de la santé mentale et qui déstigmatise les troubles mentaux. Rappelez-vous que votre patient·e ne se réduit pas à sa maladie mentale.
- En rendant plus compréhensible le réseau de soins de santé mentale local à nos patiente·s pour une meilleure utilisation de celui-ci (échelonnement, carte réseau, services en cas de crise, etc.).
Pour aborder la santé mentale en 1ère ligne de soins selon l'optique de promotion de la santé, il faut inclure l'ensemble des déterminants relatifs aux interactions entre les individus et leur environnement. Non seulement les déterminants sont partagés par l'ensemble d'une population (à la différence d'un facteur de risque, qu'on réfère à un individu), mais l'expression même des problèmes de santé mentale peut être collective ou diffuse. Une telle approche souligne donc à la fois la dimension collective de l'état de détresse de la personne, et les conditions sociales qui en sont à l'origine.
[1] CIARLO JA,Shern DL, Tweed DL et al.: The Colorado Social health survey offmental health service needs. Evaluation and program planning, 1992, 15:133-147
OUTILS
APA (American Psychiatric Association), What Is Depression ?
National Institute for Health and clinical Excellence, Depression in adults: recognition and management
Le site de la SSMG sur la dépression et le burn out et les informations sur leur prévalence
Recommandation de Bonne Pratique. La dépression chez l'adulte, Réalisée par Domus Medica, Traduite par la Société Scientifique de Médecine Générale, Avec le soutien du SPF SP, 2016
HAS, Recommandations pour la pratique clinique. Épisode dépressif caractérisé de l'adulte : prise en charge en soins de premier recours, octobre 2017
FORMATION
REFERENCES
Dépression chez les adultes, Rev Prescrire 2023 ; 43 (479) : 675-684 (accès payant)
De Meyere M, Un questionnaire ultracourt de dépistage de la dépression valide en première ligne de soins, 2008
Mitchell AJ, Coyne JC, Do ultra-short screening instruments accurately detect depression in primary care? Br J Gen Pract 2007
Chevalier P, Outils pour un diagnostic de la dépression en médecine générale, 2007
Whooley M, Avins A, Miranda J, Browner W. Case-finding instruments for depression. Two questions are as good as many. J Gen Intern Med. 1997
CONTACT
Une liste des services de santé mentale en Belgique sur le site du guide social
Les réseaux bruxellois Brumenta pour les adultes, Bru-Stars pour les enfants et les adolescents, ainsi que le réseau de 1ière ligne, PsyBru
Le site de La Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale et de La Ligue wallonne pour la santé mentale
Archipel, le réseau santé mentale destiné aux enfants dans le Brabant wallon